jeudi 9 juin 2011

Chronique d'une solitude

Mars 2009. Un homme est retrouvé dans une Toyota Prius, nu, inconscient, en bordure de l’autoroute qui mène de Glasgow à Aberdeen, dans le nord de l’Écosse. Sur le siège arrière de la voiture, des cartons contenant des centaines de brosses à dent, un sac-poubelle rempli de cartes postales, toutes envoyées de l’Asie. Un communiqué est rapidement émis pour révéler l’identité de l’homme : Maxwell Sim, 48 ans, représentant d’une jeune compagnie anglaise qui fabrique des brosses à dent qui, comme le dit bien le slogan, «vont partout». Comment Maxwell Sim en est-il arrivé là?

Parti de Londres quelques jours plus tôt, Maxwell Sim est en fait en mission commerciale. Sur le chemin qui le mène au point le plus septentrional du pays, il en profite pour revisiter la ville qui l’a vu naître, des gens qu’il a connus, des amis qu’il a aimés, sa fille qu’il a perdu de vue, son ex-femme qui l’ignore. Portrait d’un loser? Plutôt chronique d’une solitude. Solitude d’un homme qui a été largué par sa femme, qui est en congé forcé pour cause de dépression et qui rentre à peine d’un séjour d’Australie où il a tenté de renouer avec son père.

Tout ça vous semble bien sombre? C’est que vous ne connaissez pas le génie de Jonathan Coe! Auteur immense dans son Angleterre natale, Jonathan Coe maîtrise à la perfection l’art de raconter une histoire, de structurer un récit et de varier la narration pour faire avancer l’intrigue. Parce qu’intrigue il y a. Au moyen de journaux intimes, de cartes postales, de lettres, de poèmes, de récits de voyages et de messages électroniques même, la vie d’un homme ordinaire devient prétexte à une quête des origines, à une quête de la vérité. Entremêlant à la perfection les remarques acerbes sur l’Angleterre d’après le crash de 2008 et les mœurs de ses contemporains, Jonathan Coe dresse en fait le portrait d’un homme qui, sous le couvert de l’introspection, cherche des repères nouveaux dans une société désenchantée.

Je me suis beaucoup attaché à Maxwell Sim, personnage sombre mais pas désespéré. À travers son regard, une galerie de personnages atypiques, originaux et uniques prend forme. Brillamment écrite, dans une langue sobre mais juste, la chronique de cette solitude, jusqu’à un certain point, hypnotise. Jonathan Coe, à n’en pas douter, fait ce qu’il veut avec son lecteur et l’amène, comme le fait très bien son GPS (surnommé «Emma»!), sur les chemins sinueux de l’âme humaine. Un grand auteur, un grand roman! 

En complément: une entrevue filmée avec l'auteur (en anglais), sur la route, dans une Toyota Prius!

René Paquin, librairie Clément Morin Trois-Rivières

1 commentaire:

  1. Super! Mes libraires préférés qui bloguent!
    Bienvenue dans la blogosphère, René!

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